Je suis devenue une 好汉 (hâohan)

Publié le 31 Octobre 2013

八达岭 (Badaling), Grande Muraille de Chine
八达岭 (Badaling), Grande Muraille de Chine
八达岭 (Badaling), Grande Muraille de Chine
八达岭 (Badaling), Grande Muraille de Chine

八达岭 (Badaling), Grande Muraille de Chine

Il est 9h. Habillés chaudement, le sac à dos à sa place, nous sommes déjà dans le métro. Ma mâchoire broie de façon nonchalante une brioche alors que ma tête n'est pas parfaitement réveillée. Dernier arrêt, nous voilà sortis. Nous regardons à gauche, puis à droite. Mais où est la gare routière ? Le pont passé et quelques indications plus tard, nous l'apercevons au loin. À ses roues, une longue file d'attente - des chinois très majoritairement. J'observe les alentours et constate - avec satisfaction - que nombreux sont les bus portant le numéro "919". Soudain, une jeune femme appelle les derniers volontaires pour la Grande Muraille. Nous passons devant tout le monde, il achète une bouteille d'eau au passage et nous prenons place dans le car bondé.

C'est parti pour 1h30 de trajet. La même jeune femme prend aussitôt le micro et se met à parler longtemps. Très longtemps. Sa voix exaspérante m'empêche de me reposer, et alors que je m'imaginais me lever et la faire taire, elle retourne s'asseoir. Enfin. Pendant que je dors - la bouche ouverte, d'après cette horrible photo - il bat des record sur son portable. Et tandis que j'émerge à peine, j'aperçois la fameuse Grande Muraille de Chine. Du moins, une portion. Car contrairement à ce que l'on pourrait croire, la muraille n'est pas continue mais fragmentée en multiples portions. Nous allons aujourd'hui à Badaling, la plus connue, la plus prise en photo, la plus visitée aussi - mais surtout la plus proche.

Le car prend place sur l'emplacement réservé et chacun se presse vers la sortie. L'ambiance que je découvre ici est toute autre que celle de la ville de Pékin. Quitter les grandes rues commerçantes, se retrouver en pleine nature - ou presque - sur le mur le plus connu au monde. Nous gravissons les marches qui nous séparent de l'entrée, mangeons au passage un "hamburger" chinois - non, pas celui-là - et achetons deux tickets - tarif étudiant bien sur. Et c'est parti.

Je gravis les premières marches et soudain, je réalise. Mes pieds foulent les pierres de la Grande Muraille de Chine. Je m'y suis longtemps imaginée et m'y voilà enfin. Je parcours l'horizon de mes yeux ébahis. Des arbres à perte de vue et la muraille, dominant l'espace et dessinant la courbe des collines aux alentours. Seul point noir au tableau : le monde. Mais cela ne gâchera rien à mon plaisir. Les quelques Oréo que je dévore me donne la force de commencer - mes jambes déjà lourdes, ne sont pas au bout de leur peine.

Pendant la première heure - qui me sembla durer une éternité - nous grimpons jusqu'au plus haut sommet de la muraille. Si certains Chinois sont capables de courir tout du long durant - un trépied à la main - je peine terriblement à gravir les dernières marches. Au cours de l'ascension, je multiplie les pauses. Non, pas seulement pour me reposer, mais aussi et surtout pour profiter de la vue imprenable sur le paysage. Alors que ma respiration devient courte et saccadée sous la fatigue, la vue se fait de plus en plus belle - et la mémoire de l'appareil photo en prend un sacré coup.

Sous nos pieds, se succèdent des montées, des descentes, des marches, des surfaces lisses. Un bon conseil : rester vigilant et se cramponner à la rampe - sous peine de tomber à plusieurs reprises. Une fois là-haut, essoufflée et les jambes tremblantes - je suis sans voix. Mao Zedong disait que l'on ne devient un 好汉 (hâohan) - littéralement un homme véritable - qu'après avoir foulé la Grande Muraille de Chine. Alors, c'est fait.

Le souffle récupéré, nous amorçons la descente. J'apprécie le calme qui règne sur cette partie là, comparée au vacarme et à la foule précédant. Il faut redoubler de vigilance pour se déplacer. Pentue et glissante, la muraille est plus dangereuse, plus sauvage. Tandis que je manque de tomber à plusieurs reprise - et qu'il tombe - je souris et observe le groupe de jeunes chinois autour de nous. Ils crient, parlent forts, courent, se poussent, se font peur, se prennent en photo. Plus généralement, ils me paraissent fous : une fille rit aux éclats - et je ne vois plus ses yeux - pendant que son ami descend la pente sur la rampe, un autre crie en chinois et soudain l'un d'eux s'écrit "Lady Gaga !". Mon sourcil gauche se lève - aussi haut que possible - et j'échange avec lui un regard d'incompréhension blasé.

Plus intriguée que jamais par ces énergumènes, je décide quand même de les doubler et de tracer la route. Je n'irai pas bien vite : des escaliers des plus dangereux m'attendent juste devant. Agrippée à la rambarde, mes yeux sont essentiellement rivés sur les marches dont la hauteur doit bien avoisiner 30 cm. Une fois en bas - saine et sauve - nous continuons notre promenade. Une dernière descente et nous sommes arrivés. Nous courrons - et je rie sans me contrôler, comme à chaque fois - sous le regard amusé de certains Chinois. Je pose mon pied sur la terre ferme. Ma première expérience de la Grande Muraille de Chine touche déjà à sa fin.

Rencontres animales improbables, Badaling, Pékin
Rencontres animales improbables, Badaling, Pékin

Rencontres animales improbables, Badaling, Pékin

Nous venons tout juste de passer le portique et suivons le chemin pour retrouver le car, que nous tombons sur eux : un cheval et un chameau - pas un dromadaire. Cette fois, ce sont mes deux sourcils qui se soulèvent. La découverte insolite du jour se trouve sous mes yeux. Prise d'un rire nerveux, je me retourne à plusieurs reprises pour m'assurer de ne pas avoir rêvé. Un chameau au pied de la Grande Muraille, rien de plus normal...

Mis à part cela, nous croisons les habituels vendeurs de produits touristiques par excellence et des gens proposant de se faire prendre en photo sur fond vert - j'aimerais que l'on m'explique l'intérêt. Soudain, deuxième découverte insolite : en enclos peuplés de 5 ou 6 ours que l'on peut nourrir pour 3 yuans. Tandis qu'il plaint leur cause - et à bon escient - je m'extasie devant leur fourrure et leurs oreilles rondes.

Retour à la - vraie - réalité, nous montons dans le bus et prenons place l'un à côte de l'autre. Blotti l'un contre l'autre, nous sommes cette fois deux à dormir.

Le car s'arrête, nous devons descendre. Perdus et les yeux encore plein de sommeil, nous prenons le métro direction le Centre National des Arts et du Spectacle.

Centre National des Arts et du Spectacle, "La Verrue", Pékin
Centre National des Arts et du Spectacle, "La Verrue", Pékin
Centre National des Arts et du Spectacle, "La Verrue", Pékin
Centre National des Arts et du Spectacle, "La Verrue", Pékin
Centre National des Arts et du Spectacle, "La Verrue", Pékin

Centre National des Arts et du Spectacle, "La Verrue", Pékin

Je l'aperçois de loin et comprends l'appellation de "verrue" qui lui est attribuée. Néanmoins, les très nombreux panneaux de verre qui recouvrent sa surface lui donne un aspect extérieur plutôt attrayant. Nous entrons dans ledit édifice et je suis marquée par la luminosité qui y règne. Nous passons un grand couloir où sont alignées quelques sculptures et oeuvres du moment. Tout au bout et alors que je m'apprête à prendre l'escalator, je regarde un écriteau et remarque une grossière faute de langue - décidément, ces Chinois ne sont pas bons en anglais ; la photo ci-dessus en témoigne.

Arrivés au premier étage, je constate qu'il n'y a pas plus de monde. C'est même terriblement vide. Hormis un groupe de touristes et les quelques employés du Centre, nous sommes seuls à déambuler dans les couloirs. Dans un silence morbide, nous découvrons les différentes salles de spectacle : théâtre, opéra, concert, le centre est complet. Au dernier étage, nous prenons en flagrant délit une femme se drapant dans des costumes traditionnels sous le regard amusé de ses amies qui la prennent en photo. Je souris en les dépassant et reprend ma lecture - quelque peu distraite - de l'exposition.

Je regrette que ce lieu, impressionnant au niveau architectural, ne soit pas plus vivant. Avec la fatigue déjà accumulée, je traine des pieds et espère l'annonce de dernière minute d'un concert improvisé. En vain.

Sur le chemin pour rentrer à l'auberge - dans l'optique d'une pause bien méritée - et alors que nous longeons la place Tian'anmen, nous remarquons une foule inhabituelle. Soudain, il comprend, me prend par la main et commence à courir. Je le suis tant bien que mal et passe le portique de sécurité sans encombre. Il m'arrête dans ma course, me regarde et me dit "Attention... Tu es prête ?". Son pied est en suspension au dessus de la première dalle. Je le regarde, souris, fais de même avec le mien. Clap. Je viens de fouler pour la première fois la très célèbre place de mon propre pied.

Nous courrons à nouveau, prenons place parmi la foule et attendons. Nous attendons. Encore. Tout à coup, tous les smartphones sont en l'air, mode vidéo activé. Je me hisse sur la pointe des pieds et observe la cérémonie. Sous le regard bienveillant de Mao - figé en arrière-plan - des soldats descendent le drapeau chinois, le replient proprement et repartent dans une démarche militaire calculée au centimètre et à la seconde près. La foule jusque là très compacte se disperse dans tous les sens. Il est maintenant temps de partir, Tian'anmen va fermer.

L'entrée de la Cité Interdite & le quartier de 王府井 (Wangfujing), Pékin
L'entrée de la Cité Interdite & le quartier de 王府井 (Wangfujing), Pékin
L'entrée de la Cité Interdite & le quartier de 王府井 (Wangfujing), Pékin
L'entrée de la Cité Interdite & le quartier de 王府井 (Wangfujing), Pékin
L'entrée de la Cité Interdite & le quartier de 王府井 (Wangfujing), Pékin

L'entrée de la Cité Interdite & le quartier de 王府井 (Wangfujing), Pékin

Une petite pause et nous voilà de nouveau dans les rues de Pékin. Il est 19h, il fait déjà nuit et il y a foule. Nous longeons à nouveau la place Tian'anmen et arrivons devant la Cité Interdite éclairée. Une photo devant le portrait de Mao plus tard, nous continuons notre route. Destination Wangfujing ! La rue commerçante de Pékin par excellence.

Wanfujing s'étend devant nous, mais un détour s'impose. À gauche toute pour le petit marché Xiaochi (« snack »). La rue est très étroite, l'ambiance incroyable. En hauteur, des lanternes rouges sont illuminées tandis que des deux côtés, se succèdent un nombre impressionnant de vendeurs et autres restaurants. Les odeurs se mélangent et mon ventre réclame que je le nourrisse - le relent de la poubelle que je croise un mètre plus loin calme bizarrement toute faim. Mes yeux n'en reviennent pas, et il nous faut un temps fou pour décider du repas. J'opte pour des nouilles au tofu dans un délicieux bouillon, tandis qu'il grignote un stick de poulet pané. Pour une fois, le prix est excessivement cher, mais mes papilles satisfaites me font oublier tout regret.

Après cette escapade nourricière, nous voilà de retour sur la grande rue. Je retrouve bon nombre de grands magasins occidentaux dont un immense Apple Store. L'escale qui suit dans une librairie me fait découvrir qu'ici, les livres sont bien peu chers - je regrette de ne pas avoir une valise supplémentaire à cet instant. Une bonne demi heure plus tard, nous sortons finalement avec quelques ouvrages.

Là, nous prenons à gauche et tombons inespérément sur le 东华门 (Donghuamen), le marché de nuit. Alpagués par des brochettes en tous genres, nous longeons l'unique allée. Entre faim et dégoût, je ne sais pas de quel côté la balance penche... Araignée, scarabée, larve, poulpe, ou plus simplement viande, il y en a pour tous les goûts - sauf le mien. Sur le chemin du retour, des peluches dansantes sur de la musique électro nous guident - et j'en connais un qui a beaucoup aimé.

Ma gourmandise est un vilain défaut, mais je ne saurai m'en défaire. À un carrefour, j'hésite à goûter ces brochettes de petites pommes caramélisées au sucre que je vois depuis le début de mon séjour. Il demande le prix : 6 yuan. Alors soit je deviens vraiment radine, soit je commence à avoir la fibre du marchandage. Mais dans tous les cas, je refuse. Une cinquantaine de mètres plus tard, j'aperçois le vendeur qui vient jusqu'à nous - sa marchandise est directement installée sur son vélo. Là il me dit "3 kuai". Voilà qu'il sait soudain comment me parler ! Je sors trois billets et commence ma dégustation. Telle une chinoise, je crache les pépins à même le sol sans me soucier du regard des autres - et en tire d'ailleurs une certaine satisfaction.

3 changements de métro, une course dans les couloirs, une balade dans le froid capuche sur la tête, un snickers et tous au lit ! La journée fut assez longue comme ça.

Rédigé par Bouriaud Manon

Publié dans #北京

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article